Il est des endroits où une femme sur le point de donner naissance se retire dans ses appartements en hurlant. Que nenni, chez les "gens de la mer" ! Pour des héritiers vigoureux, il est hors de question de laisser un enfant voir le jour sur terre. Ainsi, lorsque Lady Gaerroch annonça l'arrivée prochaine de son second fils, on mit à la mer le Hurlevent, cadeau de naissance du futur noble, et on emmena l'enfant à naître pour sa première traversée sur son navire. Le travail de la mère fut calme. La mer fut moins clémente et offrit ses orages en réponse à l'absence de cris. Mais au final, une tête brune vit le jour, fils de chair et de sel, comme ses ancêtres avant lui.

Chez ces gens de mer, on apprend à naviguer avant même de savoir marcher. Alors devinez où le louveteau des mers à fait ses premiers pas... Sur le Hurlevent, en compagnie de son oncle, capitaine-régent. Ses premiers étés se passèrent en mer, à loucher dans la longue vue, dessiner de bonhommes sur des cartes précieuses et manger à peu près tout ce que l'équipage lui donnait. Ses premiers hivers, il les passèrent sur terre, à apprendre à lire les blagues trop salaces de son frère, à compter les gros mots de son père et à tâcher tous les manteaux que la dame aux aiguilles lui fournissait.

Et dans tout ce tumulte, ce qu'il préférait le plus, c'était les livres. Pas ceux avec des dessins d'animaux on de châteaux. Ceux avec les informations sur quel arbre couper pour avoir le meilleur bois. Ou sur comment traiter une planche pour qu'elle soit le plus imperméable possible. Durant ses jeunes années, il fit seul de nombreuses maquette que sa mère garde encore amoureusement dans ses appartements. Son frère, quant à lui, travaillait le plus souvent sur des armes à utiliser sur terre. Et comme les Gaerroch maîtrisent déjà l'art de la mer, le travail du premier né a toujours été le plus admiré.

Avec le passage d'enfant à adulte vint aussi les sentiments de jalousie et de rivalité chez notre petit crabe. Fini l'innocence, il était à présent assez grand pour savoir que dans l'océan qu'est Edhellond, le plus beau poisson, c'était son frère. Le cerveau, le gentil, l'héritier. Non content de vouloir tout ce que son aîné possédait, il se mit à lui attribuer les pires tares de l'humanité. D'abord menteur, puis voleur, il tenta de faire passer son frère pour ce que finalement, lui était devenu.

Cette crise existentielle lui apporta son lot de malchance. Non seulement, il perdit la confiance de son oncle et parrain, mais il y perdit aussi son navire. Oui, parce que celui qu'il commande aujourd'hui est le Hurlevent, deuxième du nom. N'allez pas crier sur tous les toits, cependant, que le mousse a perdu son premier bâtiment. Il vous collera sûrement un poing dans la figure.

Mais comment notre poisson clown a-t-il perdu un navire tout entier ? Tout simplement en voulant inventer quelque chose de mieux que son génie de frère. Parce qu'après tout, lui aussi pouvait révolutionner l'armement de la marine. Oui mais voilà, le bois et le feu, ça ne fait pas bon ménage, et aucune vague ne put éteindre l'incendie qui étreignit le bâtiment lors de son 16ème été. Repose depuis le cadavre du premier Hurlevent dans les eaux du port.

Cet incident ramena le moussaillon sur le -presque- droit chemin. D'abord, il oublia son frère et se préoccupa uniquement de reconstruire son navire perdu. Il passa plusieurs mois à en élaborer les plans. D'architecture identique à son prédécesseur, le nouveau schéma était pourtant un prodige d'ingénierie navale. Prévu pour être aussi rapide qu'une frégate et aussi massif qu'un galion, les plans impressionnèrent tellement le seigneur Gaerroch que celui-ci accepta de financer le projet de son fils. Notez que la relation père-fils s'était largement dégradée avec le naufrage.

Beaucoup d'hommes et de bois plus tard, le lancement s'effectua sous le regard émerveillé des gens d'Edhellond. S'il est saoul, vous entendrez probablement Talven se vanter que le roi lui-même était présent au baptême de son navire. Vous devinerez rapidement que cette rumeur est très hautement improbable. et pourtant, le Hurlevent pourrait faire rougir n'importe quelle monture de mer. Équipé de soixante lance harpons, de meurtrières pour des archers et même de deux petits trébuchets, il se targue d'une vitesse moyenne de 12 noeuds, soit 2 noeuds en dessous du navire le plus rapide de la flotte Gaerroch.

Tout cela pour arriver de nos jours. Le bijou des mers de notre  raie manta est la fierté de son propriétaire. Même s'il ne l'avouera jamais, ce navire lui a sans doute sauvé la vie. Aujourd'hui adulte et plus posé, il se montre bienveillant à l'égard de son équipage, poli mais froid avec son frère, protecteur avec sa jeune soeur. Bref, le parfait petit poisson. Mais s'il vous invite pour une croisière, vous découvrirez un homme passionnée de chaire et de chair, assoiffé de plaisirs et d'alcool et surtout étonnamment perspicace dans les affaires du royaume. Parce que quand on voyage au bord d'un des plus beaux navires, qu'on se tape les plus demandé des p... travailleuses de nuits, on apprend des choses belles et moins belles sur des personnages grands et moins grands.